La blonde et le hacker barbu
La semaine dernière, j’ai eu l’occasion de donner une conférence aux rencontres mondiales du logiciel libre, que j’ai intitulée “La blonde et le hacker barbu”.
Le monde du logiciel libre bouillonne de bonnes idées et tend ses bras grands ouverts à qui veut y rentrer. Du communiste à lunettes rondes jusqu’au libéral aguerri, on y trouve un peu de tout… sauf, et c’est vraiment curieux, des femmes. Même si presqu’un diplôme en informatique sur quatre est attribué à une femme en Europe (ce n’est pas sorti d’un chapeau, voir par exemple ces données d’Eurostat), au final au sein de la communauté du libre, le pourcentage de femmes dépasse à peine un seul petit pourcent (et là non plus, je n’invente rien). Le seul adjectif qui me vienne à l’esprit est riquiqui.
Pour un mouvement qui se dit sociétaire et se targue d’être fondé sur des valeurs éthiques, il n’y a pas de quoi être fier. C’est ce que j’ai essayé d’exprimer dans une présentation d’une demi-heure, en explorant un peu les mécanismes et proposant quelques pistes pour changer les choses.
Le problème, c’est que le sujet fâche beaucoup. D’une part, tout le monde n’est pas prêt à accepter l’idée que même si le phénomène dépasse de loin la communauté du libre, nous y sommes encore pour beaucoup. Mais surtout, on se comprend très mal. Par exemple, lorsque j’explique qu’afficher une jolie paire de seins sur un poster n’arrange rien à la situation, on me prend au mieux pour un affreux rabat-joie, au pire pour un censeur prude (Nécessaire précision : j’ai 25 ans et la vue d’un décolleté ne m’effraie pas le moins du monde.).
Du coup, j’ai choisi de prendre le taureau par les cornes en allant chercher tous les clichés auxquels je pouvais penser. La blonde (nouvelle-venue nécessairement idiote) et le hacker barbu (participant assidu nécessairement masculin) en faisaient partie. Je ne me suis pas non plus gêné pour afficher en grand une généreuse poitrine féminine glanée à deux pas d’ici, pour bien mettre les choses au clair.
J’ai été très surpris par le succès de la conférence. Une bonne quarantaine de personnes, au trois quart faite d’hommes. s’était entassée dans la petite salle malgré les hoquets du planning. Mais c’est surtout le débat qui a suivi qui m’a enthousiasmé —il était remarquablement riche et encourageant, fait remarquable dans un milieu plus connu pour son inclination à troller (Troller, c’est lancer des phrases provocatrices qui ne mènent qu’à des débats interminables et enflammés).
Quelle suite donner à tout cela ? Le site GenderShouldntMatter.org, que j’ai créé il y a un an, aurait fort à gagner d’un meilleur nom de domaine et d’une traduction en français. Le groupe de travail Diversité de l’April pourrait lui aussi avancer plus vite. Enfin, on pourrait tenter de convaincre l’organisation des prochaines RMLL d’abandonner le logo poupée-barbie et d’insister plus sur le problème (je pense en particulier aux teneurs de stands associatifs, dont certains ont parfois des attitudes vraiment sexistes). Malheureusement, le temps me manque, et je me contenterai seulement de donner à nouveau cette conférence à l’automne.
J’aurais plaisir à mettre à jour les pourcentages la prochaine fois —qui sait, peut-être aurons-nous alors doublé la proportion de femmes, en ne laissant plus aux messieurs qu’un maigre 98% ?